Prospection près du phare des corbeaux

Le moteur gronda et la voiture s'avança d'un bond hors du garage. Après quelques coups de volants, Jean mena son véhicule hors de Corbalanche. Distraitement, il eut un regard pour le beau domaine de la famille éponyme avant de reporter son regarde sur la route et de piler net ! Il avait failli emboutir un groupe de touristes à vélo qui roulait au beau milieu de la route.

Jean soupira. Le jeune homme, comme beaucoup d'habitants de l'île avaient un rapport ambigu aux touristes. D'accord, ils faisaient vivre l'île, et sans eux Véran ne s'en sortirait pas, mais en même temps, ils se croyaient vraiment chez eux ici. Ah, ça, l'ile, ils se l'appropriaient, aucun problème ! En cette fin de juin caniculaire, ils avaient débarqué par centaines sur l'île. Tous ou presque suivaient tous le même schéma, ils débarquaient, louaient des vélos, et faisaient le tour de l'île, direction les plages ou le château ... ! Tout en lambinant derrière eux, Jean revint en pensée au projet qui motivait sa sortie, et il eut soudain une vague de sympathie pour les touristes.

Jean put enfin doubler ces derniers. La chaleur était étouffante. Il baissa davantage la vitre de son véhicule et abaissa ses lunettes de soleil. Dans cet appareil, Jean était un jeune homme très séduisant, il le savait et en jouait un maximum auprès de la gent féminine. Lors de ses études de tourisme à Kaora, il avait fait son numéro à toutes les jolies filles de la fac, et souvent avec succès. Il faut dire que les Pryannes n'étaient guère farouches.

Le Vérannais n'eut pas le loisir d'aller plus loin dans ses réflexions. A peine avait-il passé Véran qu'il se trouvait déjà quasiment à destination. Ce que son île était petite ! Jean eut une bouffée d'émotion en découvrant à nouveau le cap des corbeaux avec son phare. Ce que l'endroit était beau, le pus beau de l'île à son avis.

Le jeune homme mit pied à terre, il avisa le phare et descendit un petit sentier. Au bout de quelques dizaines de mètres, il atteignit son objectif, une vieille bâtisse délabré qui avait sans doute été une bergerie. Jean jubila. Bientôt, il serait propriétaire du lieu, et il transformait ce lieu en petit hôtel authentique avec une vue imprenable sur la mer. Un albatros hurla, il ne l'entendit même pas .. Il aurait bientôt son affaire !

Jean achevait de signer les papiers qui le rendrait propriétaire de cette vieille bâtisse délabrée. Déjà, il signait des contrats avec toutes les entreprises de rénovation afin de rendre les lieux habitables. L’hôtel des corbeaux serait superbe.
Il se félicitait d'avoir eu cette brillante idée. En reprenant un édifice déjà existant, il n'enfreignait pas la loi sur la protection côtière. De toute manière, il n'entendait pas bâtir une barre d'immeubles mais un petit logis tout à fait intégré dans le paysage, c'est ce que voulait le touriste qui débarquait à Véran.
Tout lui souriait donc, si ce n'est que la belle Agathe semblait hermétique à ses avances, il n'y songeait à peine alors qu'il sortait de la petite imprimerie où il avait fait éditer sa nouvelle carte de visite : Monsieur Jean Ardiet, directeur-gérant de l'hôtel des corbeaux !