Microbrasserie de Pont-Callec

David de Pont-Callec avait relancé la microbrasserie du hameau. Il avait fait confiance à Michel Boulard pour cette mission. Après un microcrédit contracté auprès du crédit ilet, il s'était retroussé les manches et avait lancé la production.

Quelques semaines plus tard les premières bouteilles se faisaient voir sur les rayons et étalages des commerçants de l'île. Les touristes l'adoraient, la trouvant si "authentique", si "pittoresque".

Son slogan faisait fureur. Elle reprenait les mots que Godefroi de Carbalanche, chevalier croisé avait adressé au diplomate halawite, qui avait refusé son verre d'alcool :

Soyez pas une tantouze, buvez notre binouze !

Boulard avait eu les boules que Carbalanche n'aimât pas la bière. Il fut satisfait de voir qu'il semblait l'apprécier.

- Goutez celle-ci. Elle s'appelle la biérasse du Père Carbaloche. Elle vous plait ? 2 boulasses la bouteille d'un litre !

- Ah non, c'est un couillon celui-là, révérence parler, Msieu le Comte. Il a mis enceinte la fille du gros Thomas, et il est parti comme un voleur. Je peux vous dire que j'y étiez bien content quand jl'ai battu au tournoi de boule trimestriel de Pont-Callec. C'est un mauvais artisan et un mauvais bougre. Vous viendrez à notre prochain tournoi de boules Msieur le Comte ?

- Mais en plomb Monsieur le Comte, enfin ! Comment qu'on peut ignorer cela ! Enfin si y'a Gérard, le petit-fils du meunier de Carbalanche qui y jouait. Dédé, qu'il s'appelle, je crois. Il a fait des études à la ville -c'est ainsi qu'il désignait Véran en l'île- et il est devenu notaire ou un genre de bec cornu dans ce genre là.

Puis avisant le comte dont il sentait confusément qu'il décrochait :

- Vous connaissois Didier Msieur le Comte ?

Ayant regagné son attention, il continua son laius.

- A ca dépend de la situation ça Monsieur le Comte.

Et sortant un formulaire de son bureau.

- Allez, je vous inscris... Votre Date de naissance ?

- 28 juin 1961 ! Ah bigre, ça commence à compter hein ! Bon, alors, pour le sexe, je mets homme hein ? Ah oui, alors C-A-R-B-A-L-L-E-N-C-H ! Ah c'est pas comme ça ?

L'inscription se poursuivit sans encombre, Boulard se permettant sans méchanceté et avec bonhommie, de commenter chacun des aspects de la vie que Carbalanche révélait lors de ses réponses.

- Oh vous faites du 38 ? Hey hey, écoute moi Bernard, petits pieds.... petite... !

Et l'homme de rire grassement, malgré qu'il était parfaitement sobre.

En son for intérieur, Boulard était un peu surpris des familiarités du comte à son égard. A son sens, les notables de l'île ne devaient surtout pas adopter ce ton un peu paternaliste. Si lui savait se tenir, les nobles devaient en faire autant.

- Entendu Monsieur le Comte. Viens avec tes boules et tes baloches pour le tournoi. T'as compris que je parlais de tes couilles ?

Les deux hommes se saluèrent d'une poignée de main franche. Boulard glissa un document dans la poche du pardessus de Carbalanche. En rentrant chez lui, le comte découvrit son CV. Boulard ambitionnait le poste de maire-délégué de Pont-Callec, voire de Port-aux-Yssois, eu égard à " sa très grande implication dans la vie associative et culinaire du hameau".

- Ah chouette ! J'ai manœuvré finement ! Véro ! Véro ! Regarde !

- Mais enfin mon roudoudou, c'est une sinécure, une charge creuse… Ce n'est qu'une dignité, tu n'auras aucun pouvoir de police.

"Véro", née Véronique de Kestraon-Boisjoly était fine dans son analyse.

- Certes, mais j'ai un superbe costume et le droit de prélever une volaille par mois sur les fermiers du hameau !