Réception de l'ambassadeur francovar

Bernard de Carbalanche ne se lassait pas de ce poste de sénéchal qu'il occupait autant par compétence que par droit de notabilité. En poste sans discontinuer depuis Jonas de Pont-Callec, il connaissait tout autant les rouages de la diplomatie que de la machinerie administrative, chef de gouvernement et gouvernement lui-même, il donnait le temps que lui laissait la gestion des terres et des entreprises familiales à cette œuvre d'utilité publique, véritable sacerdoce de l'intérêt général.

Il recevait aujourd'hui dans les salons de la sénéchaussée l'ambassadeur de la République de Francovie, Hubert de Montignac. Le choix du roi Gontran n'avait pas été anodin puisque ce dernier, divorcé de Cora de Chabot, la soeur de Sylvie de Carbalanche, était son ex-beau-frère. C'est donc avec une bonhommie familiale que Bernard reçut Hubert. L'officier d'ordonnance qui assurait le service, un réserviste professeur de Français au collège-lycée de l'Île qui se désennuyait sous le harnais, beugla : "Son Excellence Monsieur Hubert de Montignac ambassadeur plénipotentiaire et extraordinaire de la Monarchie de Francovie auprès de la République de Véran"

Les deux hommes s'installèrent dans la salle à manger de la sénéchaussée. Le maître d'hôtel - mutualisé avec la chefferie de l'état pour la réception d'hôtes étrangers - annonça les premiers plats :
" préfou, huître de port-aux-moines et sardines des pêcheries"

Des effluves d'ail sortaient de ce plat typique de l'Île, autrefois dégusté par les boulangers pour leur repas.


- Prenez de ce pain mon cher Hubert, c'est délicieux mais après cela vous aurez peine à séduire... Je suis très heureux que nos deux pays reprennent leurs relation... Je vous sers de la Trouzzepinette - c'est un alcool d'épines réalisé par les moines trinitaires.

- Volontiers Bernard, nous n'avons pas oublié notre Histoire commune et Sa Majesté souhaite approfondir nos relations

Bernard en avait plein la bouche, déjà ses doigts étaient gras du beurre dégoulinant de ce pain à l'ail, spécialité locale.

Vint ensuite l'odeur iodée des parcs à huîtres de port-aux-moines.

- Tenez cela, un coup de citron un peu d'échalottes, c'est un délice

L'odeur de la sardine grillée des détroits avait déjà envahit la pièce

- Ah ! les sardines ! Avec du pain et du beurre salée, il n'y a que cela de vrai !

Hubert était frappé par l'appétit d'ogre de son interlocuteur se contentant, lui de picorer.

- Hubert notre île souhaiterait trouver des déboucher pour exporter son thon et ses produits halieutique comme ceux que vous venez de goûter. Puis-je compter sur votre aide ?

- Bien sûr, un traité commercial entre nos deux nations serait le bienvenu.
- Tout à fait. Fit Bernard en essuyant ses doigt gras sur la serviette qu'il avait accroché à son coup.